Conte et légende de la Murgia


Collection privée de l'auteur -  Lithographie 1948
Il y a très longtemps, lors d’une froide nuit d’hiver, il s’est passé quelque chose de vraiment mystérieux au Jazzo. Ce soir là il faisait une nuit de loup dehors et un vent déchaîné hurlait sous la porte, amenant d’étranges sons lointains. Les deux bergers employés à la garde des brebis se trouvaient près d’un feu pâle dans la pièce principale, subitement  ils entendirent les chiens aboyer avec ardeur, sans avoir le courage de sortir pour voir si quelque chose se passait. Après quelques minutes les chiens s’arrêtèrent d’aboyer et les deux bergers se trouvaient face à un silence surnaturel, le vent avait également cessé de souffler. Tout d’un coup ils sursautèrent quand ils entendirent, quelqu’un ou quelque chose toquer à la porte.
Prient par la peur, en se remémorant les mille histoires que l’on racontait sur ces lieux, ils se donnèrent du courage et demandèrent qui c’était, une voix roque répondit, que c’était voyageur qui avait perdu son chemin. Les deux bergers eurent pitié et finir par ouvrir, tout en ayant retiré du feu des tisons bien rouge qu’ils cachèrent derrière eux. Une étrange silhouette assez grande, habillée de guenilles, avec une capuche sur la tête demanda s’il pouvait entrer pour se réchauffer près du feu. Les bergers savaient qu’il était étrange que leurs chiens mais surtout que leurs can’ corz’, aussi féroces, aient permis à ce louche personnage d’arriver jusqu’à la porte. Et puis pourquoi n’aboyaient-ils plus ? Entre-temps cette étrange personne s’était assise près du feu, qui d’ailleurs s’était quasiment éteint en retirant les quelques braises. En tendant ses mains vers le feu pour se les réchauffer les deux bergers observèrent ces belles mains curées, propres, voire mêmes bizarres pour un voyageur vagabond habillé de guenilles. Un des deux bergers pris un morceau de bois et le jeta sur le feu pour qu’il ne s’éteigne pas. Au fur et à mesure que le morceau se consumait la pièce devenant de plus en plus lumineuse. D’un seul regard, sous la lumière plus vive, un des bergers sursauta en voyant les pieds de ce mystérieux vagabond. A la place des pieds, il avait des sabots et des pattes velues qui ressemblaient fortement à des pattes de chèvre. D’un seul bon, ils allèrent se cacher derrière un crucifix en fer, entre-temps les loques du voyageur avait disparu c’était maintenant une silhouette horrible qui se tenait devant nos deux bergers, ce n’était plus une silhouette d’homme, mais une chèvre noire à deux pattes ayant le visage d’un homme aux yeux flamboyant comme la braise. En voyant le crucifix le démon fit un bon en arrière et disparu laissant une tâche noire sur le sol de la pièce et une terrible odeur de souffre. On raconte que ces deux bergers ne purent jamais plus dormir une seule nuit, hanté par ces images de démon et d’horreur qu’ils virent dès le lendemain matin en sortant de leur chambre. Tous les enclos du jazzo étaient inondés du sang des brebis massacrées la nuit même, ainsi que leurs trois fidèles gardiens qui se battirent comme des damnés contre le Diable en personne et qui moururent en serrant dans leurs puissantes mâchoires des lambeaux de vêtements encore humides de salive. Ils furent retrouvés pendu à ce monumental chêne pubescent qui orne encore aujourd’hui  le jazzo. Dès lors le jazzo, ainsi que tout le lieu-dit prirent le nom de Demonio (du Démon)*.

*Lieu-dit situé à Ruvo di Puglia (Province Bari dans les Pouilles - Italie)

Auteur Giuseppe GIORGIO


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