Parlons maintenant des témoignages écrits et iconographiques, les plus anciens prouvant l'existence d'un chien de type molossoïde provenant des premières plus grandes civilisations antiques, celles sumériennes au sud et akkadiennes au nord, qui se développèrent entre le Tigre et l’Euphrate, donc en Mésopotamie (Irak actuel) que nous venons de pré-citer, un peu plus haut. Civilisations qui vers 6000 av. J.C. commençait à maîtriser entre autres, l'usage du cuivre, l'usage de l'irrigation en agriculture, des sceaux (cachets), des peintures murales, la céramique peinte, incisée ou décorée, des premiers sanctuaires ainsi qu'une utilisation généralisée de la brique, et l’écriture, etc.
De cette époque remonte une superbe sculpture représentant un molosse encore mâtiné, retrouvée à Lagash. Ainsi qu’une autre sculpture sumérienne, provenant de la cité d'Ur, représentant une chienne allaitant ses chiots. Notons certaines particularités morphologiques propres au molosse comme une énorme tête, des lèvres épaisses, un museau raccourci, une poitrine large, des reins et des membres forts, plus généralement un important volume musculaire.
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Donc, les plaines mésopotamiennes sembleraient être le berceau du molosse, dont descendraient plus ou moins directement nos molosses actuels ?
Tout les chercheurs ne sont pas vraiment d'accord avec cette hypothèse et même dans ce cas, surtout dans le passé, se sont divisés en deux écoles de pensée.
La première voit dans le dogue tibétain l’ancêtre incontestable de tous les molosses. Ils descendrait d'une sous-espèce de loup laineux le canis lupus langer, découverte parue dans le Magazine of natural History, Hodgson, Taylor and Francis, 1855, p. 107, loup qui vivait en petite meute, constituée de deux ou trois individus, de taille moyennement grande, à long poil et particulièrement robuste, au point qu’il pouvait tuer même seul de grosses proies. Le climat froid des hauts plateaux himalayens aurait favorisé la sélection naturelle ou humaine de chiens ayant des masses corporelles toujours de plus en plus imposantes. De fait un animal à sang chaud, spécialement s’il est doté d'un épais et long poil, et d’une épaisse couche de graisse sous-cutanée (s’exprimant par l’épaisseur du pli cutané) dans des conditions climatiques aussi particulières sera plus avantagé s’il a une masse corporelle élevée, puisque celle-ci lui permet une plus lente dispersion de la chaleur. Ce mécanisme d’adaptation à l’altitude, donne à l’animal plus de globules rouges dans le sang, mais à contrario de plus petite taille, car en effet plus la surface du corps est grande plus elle permet une meilleure diffusion de l’oxygène. Les échanges gazeux seront accélérés au niveau des poumons et des tissus pour faciliter la respiration.
D’après le marchand vénitien Marco Polo, qui est le premier à décrire ce chien dans son pays d’origine, mentionne que les plus grand sujets ont la taille d’un âne dans son œuvre Le livre des merveilles du monde, écrit par Rustichello de Pise, paru en 1298. Le comte de Buffon dit en avoir vu un qui, assis, faisait cinq pieds de haut (soit un peu plus de 1,50 m !) de telles proportions semblent exagérées, pourtant cette comparaison à un âne nous paraît tout à fait plausible, car à son époque ces équidés n’étaient pas forcement aussi grands que nos ânes contemporains. Le Dr Jean-Pierre Mégnin nous rapporte que celui qu'eut importé le prince de Galles de son dernier voyage aux Indes à la fin du 19ème siècle, était plus haut de taille, plus fort et plus trapu qu’un grand mastiff; son museau était allongé, ces babines très pendantes, ses yeux petits et enfoncés à paupières inférieures tombantes; son pelage un peu rude était noir en dessus, roussâtre en dessous; les cuisses et surtout la queue étaient garnies d’un poil très long et très soyeux.
Toujours d’après les récits de Marco Polo, le dogue du Tibet, existait dans toutes les localités des montagnes de l’Himalaya, où il gardait tentes et femmes, lorsque les hommes descendaient dans les vallées pour se livrer au commerce.
Plus récemment l'éthologue Corneille Jest, atteste la présence de ce molosse tibétain à demi-sauvage dans son ouvrage La turquoise de vie un pèlerinage tibétain science humaine, éditions Métailé, 2001, p. 11 il nous décrit, qu’il vit 1961, lors d’une expédition à travers le Tibet, « …Domnag, ‘’l’ours noir’’, appelé ainsi à cause de sa taille, aboie avec force et tire sur sa chaine, il sent quelque chose d’insolite… p. 203 La tente est gardé par un dogue de grande taille. Karma me fait remarquer qu’il a des poils jaunes dans les sourcils, ce qui signifie que ce chien a le pouvoir de faire fuir les démons s’approchant du campement la nuit. Le poil du chien a aussi d’autres vertus: lorsqu’on perce les oreilles des petites filles, on introduit quelques poils dans l’orifice pour accélérer la cicatrisation…. ».
L’éminent écrivain et célèbre cynophile italien, Piero Scanziani, lors de ses recherches sur sa race de prédilection c’est à dire le mâtin napolitain, nous rapporte qu’il a trouvé, en Hongrie plus précisément au Musée de Budapest, une mâchoire du mythique dogue du Tibet, qui lui semblait aussi grosse que celle d’un ours, mâchoire d’un chien nommé Yanko, importé en Europe par le comte Bela Czecheny de Zickendorf.
Le Dr Fernand Méry nous précise que mis à part ces proportions hors normes, ce qui caractérisait aussi le dogue du Tibet, c’était son caractère ombrageux, féroce, d’une sauvagerie telle, qui rendit son utilisation très limité (la garde). Conrad Malte-Brun, dans ses Nouvelles annales des voyages, librairie de Gide fils, 1819, nous fait part d’une information importante « …les habitants de Manah, ville située au nord de l’Inde dans la région Jému-Kasmir, région qui à pour voisins à l’ouest le Pakistan et à l’est le Tibet, exporte du Tibet pour le commerce toutes sortes d’animaux dont les fameux chiens du Tibet…p. 194, …Enfin, on amène aussi des chiens du Tibet. On nous en offrit trois très beaux pour les acheter. Il y en avait un entre autres, de taille d’un chien de Terre-Neuve, de moyenne grosseur; son poil était fort long, sa queue prodigieusement longue et aussi fournie que celle d’un renard, sa tête ressemblait à celle d’un mâtin. Il était, de même que pour les autres, si farouche que personne ne pouvait en approcher… » Cette description évoque fortement la ressemble avec nos dogue du Tibet actuels.
Autre exemple tiré du Bulletin de la Société de Géographie, 1826, p. 27, « …Les chiens du Tibet ont deux fois la taille de ceux de l’Hindoustan (Inde actuelle); leur tête est grosse, ils sont forts et courageux; ils osent affronter le lion…. » Cet extrait, nous indique bien, lui aussi qu’à cette époque on différenciait bien deux races, différenciation géographique et morphologique, une tibétaine et l’autre indienne.
Pour finir sur cette première théorie, bon nombre de cynologues pensent que du dogue tibétain ne descendraient pas seulement tous les chiens de montagne comme le Saint-Bernard, le mâtin espagnol, ou encore le Patou etc.… mais aussi tous les molosses à poil court, comme le soutient le Pr. Otto Keller dans son ouvrage Die antike Tierwelt, 1909, qui impute au climat chaud et ensoleillé des plaines indiennes la cause du raccourcissement de poil du fameux dogue tibétain.
La seconde école est d’une pensée totalement opposée à la première, dont le cynologue Paul Mégnin fils du Dr Jean-Pierre Mégnin se fait l’interprète, en soutenant que le molosse indo-mésopotamien aurait développé un poil long et épais en raison du climat rigide et froid des hauts plateaux tibétain. Cette théorie moins explorée par les scientifique peut s’avérée possible, dans l’hypothèse ou notre molosse indo-mésopotamien aurait puiserait ses origines le continent américain. Faute d’étude scientifique poussée nous prouvant le contraire il est tout à fait plausible que notre molosse ait comme lointain parent le « canis dirus » ou « chien terrible » canidé, qui a habité l’Amérique du Nord au Pléistocène et qui s’est éteint il y a environ 10 000 ans. Très proche du loup gris, et par conséquent du chien les scientifiques, faute d’études poussées ne le voit comme ancêtre de ce dernier.
Canis dirus ressemblait au loup gris en taille et en allure, il mesurait environ 1,50 m de long et pesait environ 70 kg. Il est probable que ces canidés vivaient en bandes, unies par des liens de famille, et qu’ils chassaient en groupes. La principale différence entre canis lupus et canis dirus et se trouve dans la structure du squelette, plus massive et plus lourde chez le canis dirus. Ses jambes étaient proportionnellement plus courtes, sa tête plus grande et plus lourde, tandis que sa capacité crânienne était inférieure à celle du loup. Ses dents, plus grandes et plus fortes que celles du loup gris, étaient capables de broyer même de gros os. De telles caractéristiques nous laissent à suggérer que ce n'était pas un bon coureur et qu’il se nourrissait d'animaux peu rapides et de grande taille, ou bien de proies affaiblies ou de charognes, un peu comme les hyènes d’aujourd’hui. Chose impossible pour notre loup gris canis dirus se nourrissait aussi comme d’autres gros prédateurs qui vivaient à son époque, les félins à dents de sabre comme le smilodon. Canis dirus a évolué probablement en Amérique du Sud et apparaît aussi dans le registre fossile de l'Amérique du Nord il y a environ 100 000 ans. Il est rapidement devenu un super-prédateur mais a commencé à décliner il y a peu près 16 000 ans, ce qui coïncide en tout point avec l'arrivée des premiers hommes sur le continent américain qui traversèrent le Détroit de Béring, suivi de près par leurs fidèles canis lupus familiaris (leurs chiens). Il est tout à fait possible d’imaginer que le canis dirus se soit accouplé avec ces chiens domestiques importés par l’homme, offrant ainsi les caractères génétiques particuliers du canis dirus au canis lupus familiaris. Et que l’homme conscient des caractères avantageux de ce nouvel apport génétiques, ait conservé ou utilisé ces hybrides, afin d’apporter plus de force et puissance au canis lupus familiaris. Propageant ainsi ces nouveaux hybrides parallèlement à d’autres « types » fondamentaux spécialisés dans toute l’Asie au grès de ses migrations.
Les causes de l’extinction du canis dirus, ne sont pas clairement établies, mais les scientifiques supposent qu’elles doivent être en rapport avec l'impact de l'homme sur la mégafaune de l'Amérique du Nord, ainsi que le changement climatique qui suivi la dernière glaciation. Au fur et à mesure que disparaissaient ses proies traditionnelles, comme le Megatherium, le Canis dirus fût réduit à un régime essentiellement nécrophage et s’éteint voici 10 000 ans. Au contraire, le loup gris qui se nourrissait d'animaux plus petits et plus rapides, survécu à l'arrivée de l'homme, et n'a nullement souffert de son impact et s’est maintenu jusqu’à nos jours.
Les premiers restes fossiles de Canis dirus ont été découverts par Francis Lick sur les rives du fleuve Ohio dans l’Indiana en 1854, mais le principal « gisement » de squelette pour cette espèce se trouve dans les puits de bitume de Rancho La Brea en Californie où on en a découverts plus de 3 600 exemplaires sous l’impulsion, qui pour la plupart sont aujourd’hui exposés au Musée d’Histoire Naturelle de Los Angeles.
Si notre théorie s’avère être la bonne, nous pensons que ces caractères génétiques particuliers se sont au fur et à mesure dilués peu après l’extinction de canis dirus, lors des divers croisements faits avec bons nombres de races canines autochtones et déjà bien établies sur le continent asiatique. Mais donc ces caractères auraient été conservés et maintenus sur les hauts plateaux isolés de l’Himalaya comme le Tibet. Ce qui expliquerait également sa présence préhistorique parallèle au nord de l’Asie.
D’ailleurs le Dr Théophil Studer en 1901, nous livrait comme l’un des types de chiens préhistoriques selon sa classification le canis familiaris inostranzewi, comme étant l’ancêtre de nos molosses actuels, trouvé vingt ans plus tôt par le Pr. Dmitri Nikolaïevitch Anoutchine (pour être plus exact en 1882), provenant de la région du lac Lagoda, non loin de St-Pétersbourg en Russie. Il nous le décrit comme étant « ...un chien de grande taille, au crâne long et bas, aux crêtes et attaches musculaires fortes, aux sinus frontaux bien développés. Le neurocrâne est long, pas très large dans la région pariétale, étroit dans la région temporale. Le profil est concave dans la région nasale. Le front et large et déprimé en son milieu... »
Description vraiment surprenante, qui rappelle sans aucun doute une forme molossoïde, mais il est important de préciser que la période néolithique débute vers 9000 ans av. J.C. pour finir vers 3300 ans av. J.C.. La période historique en Mésopotamie commença vers 3300 ans av. J.C., quand l'écriture fût mise au point. Il est tout à fait plausible que l’origine géographique de ce type de chien soit également la région tibétaine, tout comme le molosse mésopotamien. Diffusé par des migrations humaines, qui eurent lieu entre 3000 et 2000 ans av. J.C., car les iraniens septentrionaux, originaire d’Asie orientale, donc des indo-européens appelés également Peuples des Steppes ou Cimmériens, occupaient un immense territoire situé entre l'actuelle Pologne et la Chine occidentale actuelle.
Ces deux théories sont très saisissantes, et rendent encore plus compliquée cette recherche du mythe de l'archétype ancestral cher à notre imaginaire. Aucunes des ces deux théories ne s’avèrent être fausses, car l’histoire ne nous a pas encore dévoilée en totalité ce petit ‘’cynomystère’’ !
Malgré tout, on peut ne pas négliger le fait que le molosse mésopotamien était appelé par les anciens grecs «chien indien», confirmant un peu plus sa souche et sa localisation orientale comme dans la traduction narrant l’Histoire d’Hérodote, imprimerie de C. Crapelet, 1802, p. 354 « …Les chiens Indiens. Elien à sans doute emprunté de Ctésias ce qu’il raconte des chiens indiens…. » Ctésias est un médecin grec au service du Roi de Perse, né à Cnide, Asie Mineure 5 siècle av. J.C., et Elien surnommé Elien le Sophiste, né vers 175 après J.C. à Préneste lui est un historien, naturaliste et orateur romain de langue grecque. Il est fort possible que ce terme de chien indien aurait pu également vouloir dire chien issu la vallée de l’Indus (Pakistan actuel).
Ce Molosse tibétain, serait descendu de ces hauts plateaux du Tibet par le fleuve Indus, qui a été pendant très longtemps l’une des principales voies commerciales du Pakistan, fleuve qui a donné son nom à l’Inde actuelle. Il prend source au Tibet, coule depuis l'Himalaya en direction du Pakistan vers le sud-ouest pour allé se jeter dans la mer d'Oman. Ce fleuve Indus à également prêté son nom à une civilisation antique, celle de la vallée de l’Indus (5 000 ans av. J.C. - 1 900 ans av. J.C.), dont l'aire géographique s'étendait principalement le long du fleuve Sarasvatî, asséché aux alentours de 2200 av. J.-C., cette civilisation fût très longtemps oubliée par l’histoire jusqu’à sa redécouverte dans les années 1920, cette civilisation de l’Indus se range parmi ses contemporaines, la mésopotamienne et l’égyptienne, comme l’une des toutes premières civilisations, celles-ci étant définies par l’apparition de villes, de l’agriculture, de l’écriture, etc.
La civilisation de la vallée de l'Indus était principalement urbaine, soutenue par les surplus de la production agricole et le commerce, en particulier avec Sumer au sud de la Mésopotamie. Mohenjo-daro et Harappa les deux principales villes de cette civilisation, furent toutes deux bâties selon des plans similaires de rues bien tracées, de quartiers différenciés, de maisons de briques à toit plat et de centre religieux et administratifs fortifiés. Les poids et mesures étaient standardisés dans toute la région et des sceaux personnels identifiaient le propriétaire des biens transportés. Bien que le cuivre et le bronze y était utilisés, le fer y était inconnu. Le coton et la laine y était filé et tissé pour en faire des tissus comme le Pashmina, filé à partir du duvet de poils de chèvres vivant sur les hauts plateaux tibétains, le blé, le riz et de nombreux fruits et légumes y étaient cultivés, de nombreux animaux y étaient élevés. Des poteries tournées, dont certaines ornées de représentations géométriques ou d'animaux, furent découvertes à profusion sur tous les principaux sites de l'Indus.
Des archives sumériennes de l'époque de Sargon d'Akkad (vers 2350 ans av. J.C.) mentionnent l'existence de relations commerciales entre les sumériens et les peuples orientaux de Dilmoun (sur la côte arabe du golfe Persique, aujourd'hui situé sur le Qatar), peuples de Makkan (péninsule d'Oman et Carmanie, près du détroit d'Ormuz) et de la vallée de l'Indus. Des sceaux de facture ou d'inspiration harappéennes, trouvés sur des sites du Proche-Orient, des bijoux sumériens mis au jour à Mohenjo-Daro témoignent également de ces relations de commerce entre Sumer et l'Indus. Ces courants commerciaux est-ouest ont été récemment confirmés par de nouvelles découvertes; ainsi, sur le site de Ras Al-Djunayz (sultanat d'Oman), une équipe franco-italienne a exhumé des objets harappéens (poteries peintes, peigne en ivoire, sceau en cuivre et un tesson portant quatre signes de l'écriture de l'Indus) attestant l'existence de liens maritimes entre la civilisation harappéenne et celle de Dilmoun.
Nous imaginons que cette diffusion du molosse tibétain vers le Proche-Orient (l’ouest) et la Chine (l’est), c’est faite sur de nombreux siècles pour ne pas dire millénaires, aux grés de divers échanges commerciaux, invasions, migrations entre ces différentes ethnies.
C’est dans cette petite portion de terre entre les deux fleuves le Tigre et l’Euphrate, que la civilisation assyrienne s’est épanouie et nous a laissé les plus superbes et vifs témoignages de ce molosse primitif. Ce peuple de guerriers qui ne connut qu’une lutte acharnée, pour, dans un premier temps défendre un espace vital propre, puis pour s’ouvrir un accès à la Méditerranée et aux riches régions du Proche-Orient occidental. Les assyriens vont ainsi conquérir et dominer cruellement tout le bassin oriental de la Méditerranée entre le 9ème et 7ème siècle, les assyriens tenaient en grande considération ces chiens, d'ailleurs l'emblème de la déesse Gula était un chien.
Des petites statues de terre cuite, représentant des molosses à l’attitude menaçante, étaient utilisées pour tenir éloigné les esprits malins des maisons. Elles étaient disposées devant la porte d’entrée, généralement par cinq sur la partie gauche était écrit le nom du sujet qui exprimait la force et le caractère de l’animal, comme par exemple : « Travailles des mâchoires ; Conquérant de l'ennemi ; Happeur d’opposants ; Terreur des malfaisants ; Fort aboyeur; L'acheveur hurlant ». L'art assyrien a immortalisé en incisant dans la pierre des reproductions de molosses d’une netteté exceptionnelle. Sur un bas-relief retrouvé à Nimrud, datée d’environs 850 ans av. J.C. est représenté un énorme molosse ayant une hauteur au garrot atteignant les hanches de son conducteur, la peau de la tête semble être lâche et forme un important fanon sur le collier, le museau parait court et le stop assez marqué et l'ossature semble très robuste. Les jambes sont en ligne avec les jarrets, la lourdeur de l’ensemble nous fait penser à un chien peu apte à la course, probablement utilisé comme gardien dissuasif.
Nombreux sont les molosses incisés sur les bas-reliefs assyriens retrouvés à Ninive, remontant au 5ème siècle av. J.C. : il s'agit de sujets, à la musculature nerveuse, à la peau adhérente, au ventre remontant légèrement.
Ces maitres-chiens, qui s’apprêtent à rejoindre une battue de chasse, portent à l’épaule des paniers d'osiers, ils semblent retenir avec peine de gros chiens, qui paraissent échapper à leur contrôle, comme déjà excités par l’action imminente.
Ce bas-relief est d’un exceptionnel et cru réalisme décrivant des molosses engagés dans une chasse à l'onagre (une espèce d'âne sauvage). Deux chiens ont déjà saisis leur proie, un à la cuisse et l’autre sous le membre antérieur pendant que le troisième n’est pas loin de rejoindre un petit. Le soin apporté aux détails de ce bas-relief, nous permet de bien distinguer les caractéristiques morphologiques des sujets. Les têtes sont larges, les yeux bien distancés, les museaux semblent faire un peu plus qu’un tiers de la longueur globale de la tête, les membres longs et robustes, en résumé des chiens secs, dynamiques, de taille moyennement grande qui nous rappellent fortement des molosses très fonctionnels, comme notre cane corso.
Parlons aussi d’autres bas-reliefs retrouvés dans le palais du roi Assurbanipal (669 - 626 av. J.C.) à Ninive, décrivant le roi engagé dans une chasse au lion, ce chien vient réaffirmer que cette morphologie était très fréquente. Son attitude semble très menaçante, oreilles plaquées vers l’arrière, queue tendue et dents découvertes, regardez bien cette image vous entendrez peut-être le grognement sourd de ce molosse, ainsi que sa colère.
Ces molosses étaient en si grand nombre qu’au dire d’Hérodote, un gouverneur de Babylone faisait appel aux revenus de quatre villes pour l’entretien de ses chiens. On tirait également des présages des robes pie de ces chiens.
Ces molosses étaient aussi fort estimés des mèdes et des perses. Dans la Perse ancienne, le chien était symbole du bon génie Can, et donnait son nom aux grands personnages comme marque de respect. En sanscrit il existe plus d’une cinquantaine de noms pour désigner le chien. Cela prouverait la variété des espèces et des utilisations en des temps reculés. Le nom habituel çvan se retrouve en langue européenne.
Les livres sacrés des aryens, les Avesta, sont fondés sur le culte primitif du feu. Selon un texte souvent cité «Lorsque le chien à six mois, il faut qu’une jeune fille le nourrisse; elle aura le même mérite que si elle gardait le feu, fils d’Ormuzd (le principe du bien), nous démontre toute l’importance du chien dans cette culture indo-aryenne.
L’ouvrage comporte d’ailleurs des conseils d'élevage canin. Un autre passage attribué à Zoroastre, né env. 8ème siècle av. J.C., affirme « … Le monde n'existe que par l’intelligence du chien…. ».
Celui-ci avait les honneurs de la sépulture. Qui volait un chien de garde, de berger, voire vagabond, ou même lui donnait une mauvaise nourriture était puni du fouet. Qui mangeait du mouton devait en donner trois bouchées au chien comme juste salaire.
Au début du 18ème siècle av. J.C., l'arrivée des indo-européens en Asie occidentale repousse les populations alors sur place vers d'autres terres. A partir de 1730 av. J.C., certaines d'entre elles, majoritairement d'origine sémitique, pénètrent pacifiquement en Egypte et s'y installèrent : ces populations étaient appelées hyksos, de l'Egyptien heqaou-khasout signifiant "chefs des pays étrangers”, de cette émigration ainsi que par de nombreux échanges commerciaux avec la Mésopotamie l’Egypte conserva les molosses, ils sont représentés courant auprès des chars de leurs maîtres et accablant l’ennemi en fuite comme le jeune Toutankhamon représenté poursuivant les nubiens accompagné de deux molosses sanguinaires.
En 1922 l’archéologue Howard Carter exhuma le tombeau du jeune roi Toutankhamon, qui renfermait non seulement de superbes objet et des trésors magnifiques, mais se révéla être également une mine de renseignements historiques. Ce chien magnifiquement rendu, mais aussi l’humour contenu de la scène donne tout son intérêt à cet objet travaillé à la feuille d’or, qui conserve des restes de plumes d’autruche brunes et blanche. Sur cette face le roi chasse des autruches accompagné d’un chien de valeur portant un collier décoré. Ce chien de constitution plus robuste que le lévrier représenté d’une façon plus élancé habituellement, qui correspondrait bien au gabarit d’un molosse léger. Ce chien semble d’une extrême rapidité si l’on en juge par la vitesse de course d’une autruche qui peut atteindre 60 km/h (même si ces dernières semblent blessées).
Le cynologue Jean-Claude Hermans, père reconstructeur du barbet, nous précise dans son œuvre Le chien chez les naturalistes de l’antiquité au 19ème siècle, 2000, p. 11, « … Des familles canines étaient déjà en place en parlant de la préhistoire (époque antérieur à l’écriture), et en 3000 ans d’antiquité ces familles vont se multiplier qui formeront à leur tour des races régionales distinctes… » Tout comme notre cane corso.
Rappelons que ces molosses mésopotamiens, restent des produits élevés de connaissances zootechniques, déjà bien définies dans leurs typologies, « lourdes » (doguimorphe mastinoïde) et « légères » (doguimorphe), lignes sélectives et utilitaires qui sont toujours plus ou moins présentent chez nos molosses actuels, sujet que nous aborderont dans les chapitres suivants. Si nous résumons ces molosses mésopotamiens étaient utilisés pour la guerre, la garde et la chasse, emplois qui vont leurs être pleinement attribués jusqu’à la fin du 20ème siècle, soit environ 4000 ans plus tard.
Auteur Giuseppe GIORGIO
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