Mode d'acquisition du cane corso dans la masseria

Femelle - Années 1990 - Région de Foggia (photo Umberto BISCEGLIA) 

Le paysan ne dispose, généralement que d'une faible possibilité de contrôle sur les accouplements et n'intervient pas ou très peu sur la gestation et la mise-bas. La reproduction n'est pas que le seul mode d'acquisition d'un chien par le fermier apulien car, comme tout animal domestique, le chien peut être acheté ou donné. D'une manière générale le chien se donne. Seuls les chiens spécialisés dans un emploi (berger, bouvier et chasse) ou ceux qui possèdent un pédigrée acquièrent une valeur marchande, ce qui est surtout le cas à l'époque pour les chiens de chasse. Avant tout cet engouement pour le cane corso les paysans avaient l'habitude de dire que l'on échange ou que l'on se donne un chien et qu'un chien ne se paye pas !

Tel était l'usage dans la majeure partie des Pouilles, en ce qui concerne les chiens de « pays ». La quasi-totalité des fermiers et des premiers éleveurs « officiels » de cani corsi, dont nous avons demandé la provenance de leurs cani corsi, nous ont tous dit qu'ils avaient été donné par un ami, un voisin, ou un parent lorsqu'il n'était pas la progéniture d'une chienne déjà présente dans l'exploitation. Dans quelques rares cas, le chien de berger ou bouvier déjà dressé a été acheté à un autre éleveur (de bétail). Une exploitation peut se trouver sans chien au moment de sortir son bétail comme par exemple à l'occasion d'une grande foire ou d'une transhumance, l'urgence impose donc à l'éleveur de bétail de se procurer un chien déjà dressé, on l'achète généralement à un autre éleveur de bétail de confiance possédant déjà lui-même des chiens utilisés dans son exploitation. 
Il n'empêche que les éleveurs d'ovins apulien se contentent pour leurs troupeaux de chiens « bâtards » ou « corniauds » joyeux melting-pot des différentes races de chiens présentent dans leurs exploitations et dans la campagne environnante, qu'ils caractérisent par le type dont se rapproche le plus le chien de berger celui lupoïde plus qu'un chien de type molossoïde doguimorphe qu'est notre cane corso, plus apprécier pour la garde, ou la conduite du gros bétail. Le chien de chasse est en général un braque ou un segugio, chien courant italien de taille moyenne d'environ 55 cm pour 25 kg à poil dur ou ras, très rapide et résistant adapté à tout type de terrain et tout de gibier à poil, chassant seul ou en couple ou éventuellement en petite meute de 5/6 chiens maximum. Mais aussi le lévrier qui est également traditionnellement utilisé pour chasser le lièvre. Les chiens destinés à la chasse au sanglier sont aussi particulièrement nombreux dans les Pouilles. Certains chasseurs apuliens investissent des sommes importantes pour acquérir un bon chien de chasse. À côté de ces chiens particuliers qui ont été dressés pour la chasse ou qui possède un pédigrée, les chasseurs apuliens pouvaient utiliser des « bâtards » ou des « corniauds » et bien entendu ce genre de chiot se donne ou s'échange, tout comme le chiot de berger ou de garde. Rappelons la différence entre un « bâtard » et un « corniauds ». Dans le langage populaire des paysans, chasseurs ou d'ailleurs, il n'existe pas de différence entre un bâtard et un corniaud, ces deux appellations sont également péjoratives et elles désignent un chien sans race. Pourtant, il existe une différence pour les cynophiles, car le « bâtard » est un sujet issu du croisement de deux chiens de races différentes, ou d'un croisement entre un chien de race pure et d'une chienne de race indéfinie par exemple. Tandis que le « corniaud » désigne un chien ne pouvant pas être apparenté à une race parfaitement définie. 


Dans une ferme, seuls un ou deux chiens mâles étaient conservés pour le travail, car si par malheur l'un venait à se blesser lors de son travail, ou bien venait à mourir à la suite d'une morsure de vipère, l'autre était constamment prêt et apte à le remplacer. Par manque de ressource, donc de nourriture seule une chienne était présente à l'exploitation, bien souvent affectée à la garde car jugée plus fidèle, mais également pour la reproduction. Pour contrôler la reproduction, on « réservait » souvent, une chienne unique pour cette fonction. Les accouplements avaient lieu lorsque celle-ci atteignait sa pleine maturité sexuelle. Il fallait donc la surveiller au moment où elle était en chaleur, soit en l'attachant soit en l'enfermant ou bien en lui mettant une « ceinture de chasteté » cette ceinture pouvait être acquise dans le commerce, mais bien souvent elle était fabriquée sur place avec un vieux caleçon. Certains agriculteurs affirment encore aujourd'hui que la chienne se met en chaleur quand la lune tourne, on disait alors vulgairement qu'elle a « le feu aux fesses ». Le chien à qui l'on attribue un tempérament lascif doit, comme la chienne, faire l'objet d'une surveillance. Les chiens trop « coureurs » sont souvent attachés ou enfermés la nuit pour qu'ils n'aillent pas importuner les chiennes du voisinage, mais surtout pour qu'ils accomplissent leurs tâches de garde. On punit de différentes façons le chien qui fugue trop souvent : en lui attachant une boite de conserve vide au bout de la queue, le bruit qu'il faisait le terrorisait et on prétend qu'il ne recommençait plus ses excursions nocturnes après avoir été à ce point ridiculisé (traumatisé). Une punition plus cruelle, lui était parfois infligée, en lui brûlant le bout de sa queue amputée. Lorsqu'un chien était toujours en chasse et qu'il ne gardait donc plus la ferme ou le bétail on pouvait décider de la castrer. Cette pratique était peu courante, car on pensait que « le chien castré devenait fainéant ». La castration est aujourd'hui faite par un vétérinaire alors qu'autrefois c'était un paysan qui s'en chargeait. Il fallait en tout cas que l'opération ne soit pas effectuée par le maître du chien car on disait que toute sa vie la bête lui en garderait rancune. Pour castrer le chien, on lui coinçait la tête avec une fourche en bois et on lui mettait dans un sac de toile pour qu'il ne puisse pas mordre. La castration s'effectuait par ablation des testicules, bien faite, elle ne présentait pas de danger pour l'animal qui se léchait pour faciliter la cicatrisation de la plaie.


Auteur Giuseppe GIORGIO